« L’avortement est et restera toujours un drame ». Ces mots sont de
Simone Veil s’adressant à l’Assemblée nationale en 1974. Mais comment est-on passé en 50 ans, d’un «drame » à une « liberté garantie par la constitution » ?
La majorité écrasante des parlementaires ayant voté pour cette réforme est en elle-même inquiétante : ce score digne d’une république soviétique traduit en réalité une absence totale de liberté d’opinion. Il est devenu impossible en France de questionner les enjeux éthiques de l’IVG à moins d’être ostracisé et classé parmi les infréquentables. D’ailleurs qui s’y risque encore hormis nos évêques et le pape François ?
L’avortement est un sujet sensible qui touche à l’intime et qui cache de très grandes blessures. Mais aurons-nous aidé les femmes qui ont eu recours un jour à un avortement simplement en décrétant qu’il n’y a pas de question ? Aurons-nous aidé toutes ces personnes simplement en affirmant que la vie humaine ne commence que lorsque nous le décidons ? Ce qui concerne la sexualité et l’engendrement est toujours complexe et ne peut pas se limiter à la revendication d’un droit individuel. C’est cette complexité qui est niée aujourd’hui : il n’y a plus de question ! C’est un déni de ce qu’est la vie humaine, un déni de ce que vivent les femmes dans leur maternité, charnellement, viscéralement, humainement.
Bien sûr, il est des situations tragiques dans lesquelles l’avortement est une option à envisager mais il faut alors le faire en connaissance de cause et non en refusant de regarder ce qui est en jeu : la vie. Or l’IVG qui était au départ envisagée comme une solution douloureuse pour accompagner au mieux un couple ne pouvant garder son enfant est devenu aujourd’hui une « valeur de la République » brandie avec fierté… Mais comment est-on passé d’une exception à un principe indiscutable ? D’un drame à une valeur ?
Troublant hasard de calendrier : lundi dernier, le jour-même où les parlementaires votaient, le parquet de Melun annonçait le procès de Pierre Palmade pour « homicide involontaire » après l’accident de la route au cours duquel une femme enceinte a perdu l’enfant qu’elle portait. « Homicide involontaire » : le pouvoir judiciaire considère donc l’enfant à naître comme un être humain à part entière. Quelle est la différence entre le fœtus avorté et l’enfant à naître qui a perdu la vie dans un accident ? La différence pour nos députés, c’est que ce dernier faisait l’objet d’un « projet parental ». Un enfant à naître qui est voulu par ses parents pourra vivre ; celui qui ne fait pas l’objet d’un projet parental ne verra jamais le jour.
Ne voyons-nous pas vers quel monde terrifiant cela nous précipite ? Enfant désiré ou enfant non désiré… La reconnaissance ou non du statut d’être humain dépendrait donc de la volonté des parents ? Jusqu’où irons-nous dans la sacralisation de l’individu tout-puissant revendiquant des droits au mépris du Bien Commun ? Mais à force de vouloir tout programmer et tout maîtriser, nous risquons fort de ne devenir que des machines…
La vie, fort heureusement, est autre chose qu’un objet entre nos mains. Elle ne dépend pas de notre bon vouloir. La vie, de son commencement à sa fin, nous dépasse infiniment, nous surprend, nous bouscule, nous projette dans la complexité de ce qu’être homme ou femme veut dire. La vie est à la fois tragique et sublime et l’on s’y cogne souvent. C’est ce qui en fait la beauté, c’est ce qui fait de nous des humains. Il nous faut continuer à proclamer cette Bonne Nouvelle !
Pierre-Alain Lejeune