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L’édito de Marie-Armelle Beaulieu n°704 : En Terre Sainte, protéger la flamme de la raison et de l’espérance

Publié le 27 mars 2025

Imaginez une horloge dont les trois aiguilles se mettent à tourner dans tous les sens et à toute vitesse. Cela fait dix-sept mois en « Israelistine » que nous vivons à ce rythme effréné. Il s’est encore accéléré depuis que Donald Trump a commencé, sur les chapeaux de roues, son deuxième mandat. Israelistine… Ah oui, pardon, j’ai utilisé un audacieux raccourci pour Israël/Palestine. On ne sait plus trop comment les nommer tant l’évocation de ces deux noms déclenche les passions. Et celui-là ne manquera pas de le faire non plus.

J’aurais pu dire Canaan. C’est le nom qu’a suggéré un prêtre du secteur pastoral de Ramallah tandis que nous cherchions une solution. Chercher une solution devant l’impasse apparente… En reportage en Cisjordanie, c’est la question que j’ai posée à mes interlocuteurs palestiniens chrétiens. Leur première réaction a été la surprise. « Tu veux penser une solution politique quand ma préoccupation quotidienne est de réussir à rentrer chez moi quand toutes les routes d’accès au village sont fermées. »

Mes interlocuteurs trouvaient ma question saugrenue, je la reformulais, encore et encore. Tandis qu’ils me regardaient étonnés, je pouvais voir qu’ils cherchaient dans les recoins de leur tête ou de leur cœur quelque chose qui ne serait pas desséché par une souffrance trop longue.

Il y a eu le fataliste : « Qu’Israël annexe tout ! Mais dans le respect du droit international, que l’étau se desserre sur nos vies. » Le conservateur : « Deux États. Israël. Palestine. La solution est sur la table depuis trente ans. » Le nostalgique : « Que l’on revienne à la Palestine d’avant où les juifs étaient les bienvenus jusqu’à ce qu’il leur vienne en tête de nous dominer. » Le rêveur : « Un seul pays, deux nations, appelle cela comme tu veux. » Le lanceur de défi : « Deux États sur un unique territoire, aux énarques de plancher ! »

« On pourrait appeler ça Canaan. On a ce nom en commun dans l’histoire. » Pas un seul n’a suggéré de renvoyer les juifs à la mer. La reconnaissance de leur légitimité à vivre libres sur la terre de leurs ancêtres, voilà ce à quoi ils aspirent le plus. Et puis il y a celui qui pose ingénument : « Cela fait 2 000 ans qu’il y a une présence chrétienne continue ici. »

Quelques jours plus tard, après que les chefs des Églises ont invité des diplomates pour s’ouvrir à eux des difficultés rencontrées tandis que le conflit se durcit, l’un d’entre eux confie : « Combien de temps réussirons-nous à protéger la présence chrétienne à Jérusalem ? » C’est le moment où les aiguilles de l’horloge reprennent leur course frénétique. Qu’est-ce qui est en mesure de freiner cette escalade ?

Je repense au travail que nous faisons depuis seize mois : identifier ceux, en Israël et Palestine, qui continuent de protéger la flamme de la raison et finalement de l’espérance. « We agree to disagree », nous sommes d’accord pour ne pas être d’accord. Je repense à nos rires, à la recherche d’une solution et de noms.

Pour arrêter cette folie, il faudrait couper nos téléphones et nos réseaux sociaux, s’asseoir autour d’un café et prendre le temps de se parler, d’apprendre à se reconnaître. Ensuite on imaginera ensemble la réalité à laquelle nous voulons donner corps.

Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de la revue Terre Sainte

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