Les semaines défilent et les signes alarmants de l’état de notre monde semblent se multiplier. Du Moyen Orient à l’Ukraine, de la profonde division de la société américaine à l’alliance militaire entre Russie et Corée du Nord, comment ne pas être profondément inquiets ? Mais surtout, ces jours-ci, vous avez probablement vu les images effrayantes de la tragédie de Valence en Espagne : des torrents de boue en furie emportant tout sur leur passage, des voitures et leurs passagers engloutis sous les yeux impuissants et horrifiés des rescapés. Ces événements nous portent d’abord au silence, au recueillement et à la prière pour les victimes et leurs familles.
Mais tout cela doit également questionner notre foi. Les chrétiens ont-ils quelque chose à dire dans un tel contexte ? En quoi l’Église peut-elle porter une parole de vie face à de tels cataclysmes ? L’Évangile n’évite aucun obstacle, ne contourne aucune difficulté et nous interdit de nous contenter de réponses faciles. L’Évangile ne cherche jamais à nous rassurer à bon compte en fermant les yeux sur les épreuves que nous subissons. Il nous provoque plutôt à la conversion ! Si nous sommes si fragiles, si nous pouvons si facilement et si soudainement être emportés, c’est qu’il est urgent de trouver ailleurs qu’en nous-mêmes, le vrai socle de notre vie, le roc sur lequel nous appuyer. Nous sommes si prompts à nous réfugier dans de fausses sécurités. Le plus fréquent, bien entendu, est de chercher un point d’appui dans nos richesses matérielles ; ce qui est, à l’évidence, pure folie. Comme cet homme de la parabole qui ayant fait de bonnes récoltes se disait qu’il pourrait désormais vivre en sécurité et profiter de la vie. « Mais Dieu lui dit : ‘Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?’ » (Lc 12,20). Et pourtant, il nous arrive de nous livrer aux pires compromissions pour assurer notre confort matériel…
Mais c’est souvent de manière plus subtile que nous nous détournons de Dieu. Nous pouvons chercher cette fausse sécurité en nous-mêmes : dans notre santé, dans nos idées, dans nos œuvres ou nos projets aussi nobles soient-ils. Tout cela est très bon mais ce n’est pas sur cela qu’il faut nous appuyer ultimement. Car si nous n’avons pas trouvé d’autre fondation que nous-mêmes, alors, lorsque nous serons dépouillés de ce qui faisait notre force, lorsque nous aurons tout perdu, que nous restera-t-il ? Il est urgent de trouver en Dieu, et en Dieu seul, notre seule force. Peut-être sommes-nous aujourd’hui convoqués à une radicale conversion ; à consentir à notre fragilité et à l’évidence que nous sommes entièrement dans la main de Dieu. Peut-être sommes-nous plus que jamais appelés à redire ces versets du psaume : « Je t’aime, Seigneur, ma force : Seigneur, mon roc, ma forteresse, Dieu mon libérateur, le rocher qui m’abrite, mon bouclier, mon fort, mon arme de victoire ! » (Ps 17,2-3)
Pierre-Alain Lejeune