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L’édito n°680 ‘La vraie richesse’

Publié le 11 octobre 2024

Les lectures de ce dimanche viennent nous rappeler, au cas où nous l’aurions oublié, l’illusion dans laquelle nous entretiennent nos richesses. Dans l’évangile, l’homme riche qui voudrait avoir la vie éternelle repartira tout triste « car il avait de grands biens ». Et comme si cela ne suffisait pas, Jésus en rajoute encore : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ».

Que pouvons-nous entendre dans ces mots de Jésus ? D’abord que la richesse n’est pas un mal ; Jésus n’a jamais dit qu’être riche serait un péché. En revanche, la richesse est dangereuse et il veut nous prévenir de ce danger. Car celui qui a de grands biens risque fort d’en venir à penser qu’il a tout ce qu’il faut pour vivre, qu’il ne dépend plus de personne. Nous connaissons tous ce sentiment trompeur de la fausse sécurité, d’une autonomie que nous aurions conquise, tel cet homme qui avait fait de bonnes récoltes et se disait qu’il pouvait désormais vivre en sécurité et dormir en paix. Mais Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?”  (Lc 12,20). Ce sentiment de fausse sécurité entretient en nous l’illusion que nous nous suffisons à nous-mêmes ; il nous éloigne de Dieu. Car alors, Dieu n’est plus essentiel pour nous, il devient accessoire. Le malheur du riche, c’est de ne plus vraiment compter sur Dieu, de l’avoir rangé parmi les multiples autres réalités de sa vie.

Au fond nous le savons, l’argent devrait toujours rester un outil, un moyen pour créer du lien, de la relation, pour permettre l’échange et le partage. Or nous en faisons une fin en soi. Si souvent nous confondons la fin et les moyens… Or mettre une réalité secondaire à la place que Dieu seul devrait occuper, c’est inévitablement en devenir esclave. Cet homme riche est tellement attaché à ses biens, qu’il n’est plus libre de suivre Jésus. Il possède tellement qu’il en vient à être possédé. 

« Une seule chose te manque » lui dit Jésus. Et dans le verset suivant, nous découvrons, stupéfaits, que la seule chose qui manque à cet homme, c’est de manquer… Cet homme ne manque pas assez… Nous éprouvons bien des manques dans notre vie ; et notre société voudrait nous faire croire que tout manque devrait être comblé, et le plus rapidement possible, et par tous les moyens… Cette société de consommation s’est édifiée sur ce mensonge et ce leurre : le bonheur, ce serait d’être comblés, pleins, repus, satisfaits… Jésus nous apprend exactement le contraire : le manque n’est pas à combler, il est le lieu d’une rencontre, comme une brèche par laquelle Dieu peut faire irruption en nous. Le désir n’est pas un vide à combler, il est le lieu d’une révélation, l’espace d’une rencontre. Il est là le véritable trésor, la vraie richesse qu’il nous faut cultiver.

Pierre-Alain Lejeune

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